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5 janvier 1851

Deux habitants d’Ilharre viennent voir le Maire, Pierre Etchart pour lui faire transcrire le décès de Daniel Barthe-Lapeyrigne dans le registre de l’état civil. Rien ne laisse présager un acte inhabituel : le pauvre homme était âgé de 70 ans, s’employait à cultiver ses champs comme tant d’autres et laissait une veuve : Nenette Coustala. La déclaration est soigneusement rédigée par le Maire, dans la forme la plus classique qui soit !

Et pourtant !

Daniel Barthe-Lapeyrigne est mort dans les conditions atroces : le crâne fracassé en plusieurs endroits, laissant à nu la matière cérébrale, le nez écrasé.
Il a été retrouvé par son épouse dans sa cuisine, face contre terre, gisant dans une mare de sang. Le meurtre s’est déroulé un dimanche, à vingt pas de l’église pleine de monde pendant la messe, à laquelle s’était d’ailleurs rendue toute la famille.
L’arme du crime est restée à ses côtés : un maillet en bois recouvert du sang et des cheveux de la victime.

Course-poursuite

Jean Ahano dit Montpellier est immédiatement soupçonné du crime. Les soupçons sont confortés par deux faits :
- il a déjà deux délits à son actif
- il a été vu à proximité d’Ilharre, le matin même de ce funeste dimanche.
Aussitôt, deux jeunes gens se lancent à sa poursuite. Ce n’est que 40 km plus loin qu’ils comprendront que Ahano s’est réfugié en Espagne, à Valcarlos.
En arrivant dans le village espagnol, ils vont découvrir non sans surprise qu’il était employé chez le Maire en tant que domestique. Ce dernier, sous le choc apprît ainsi avec stupéfaction les faits reprochés à ce jeune homme qu’il avait embauché depuis peu.

Extradition, procès repoussé

Le Maire de Valcarlos, désolé d’avoir employé un tel malfaiteur, leur promit d’amener Jean Ahano à la frontière dès le lendemain, quoiqu’il puisse arriver et il tint promesse. Le 6 janvier au soir, Jean Ahano fut arrêté à l’auberge du village, saisi par quatre jeunes gens de Valcarlos, garrotté et amené tambour battant jusqu’à Arnéguy où la gendarmerie française le prît en charge pour le mener à la prison de Saint-Palais.
Ce fut là l’erreur commise par l’édile espagnole : les avocats de Jean Ahano purent faire repousser le procès pour vice de forme dans la procédure d’extraction.

Un vol de parapluie

Cet atroce meurtre fut commis pour le vol de bien maigres ressources : des vêtements, des boucles d’oreille, un anneau et … un parapluie. De son propre aveu, le coupable reconnût avoir été employé comme domestique chez Daniel Barthe-Lapeyrigne et lui avoir demandé ce matin là un prêt d’argent que ce dernier lui avait refusé. Jean Ahano, fils naturel de Catherine Ahano, né à Ilharre en 1826 était connu pour plusieurs vols et larcins. Sa profession de pêcheur (le secteur, loin des côtes, est cependant traversé par plusieurs rivières et cours d’eau) devait être loin de subvenir à ses besoins.
Mais c’est une apparence de calme, relevé par sa haute taille (1,80m selon le registre d’écrou) qui impressionnât le tribunal lors de son procès en Assises à Pau.

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Registre d’écrou
Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques, 2 Y 5/18

Les avocats sauvent sa tête

Si la peine de mort fut requise, la plaidoirie de Maître Blandin fut entendue par les jurés qui ramenèrent la condamnation aux travaux forcés à perpétuité. Le condamné fut transféré au bagne de Cayenne où il mourût trois ans plus tard en février 1854.


Sources

  • L’acte de décès de Daniel Barthe-Lapeyrigne : Etat civil d’Ilharre, AD64, collection départementale, décès, 5 MI 272
  • L’acte de naissance de Jean Ahano le 29 août 1826 à Ilharre : Etat civil d’Ilharre, AD64, collection départementale, naissances, 5 MI 272
  • Le registre d’écrou pour la maison d’arrêt de la prison de Saint-Palais (condamnation pour vol d’argent) : AD64, 2 Y 5/18, vue 168
  • Le dossier de bagnard conservé aux Archives Nationales de l’Outre-mer à Aix : ANOM, col H266
  • Le procès dans les quotidiens numérisés et consultables sur le site Pireneas, Bibliothèque numérique
    → Le Mémorial des Pyrénées du 28 février 1851
    → Le Mémorial des Pyrénées du 12 août 1851
    → La Constitution du 12 août 1851