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Les fonds déposés par les communes, classés et conservés par le service des Archives départementales sont une source d’une richesse incomparable pour qui s’intéresse à l’histoire locale et aux lieux où ont vécu ses ancêtres. Aïcirits en est un bel exemple. En plongeant dans ces documents, tout un pan de la vie quotidienne de ses habitants s’offre au regard et dévoile des aspects dont nous ne nous serions pas doutés.

En témoigne ce document, retrouvé au sein d’une liasse de listes nominatives de jeunes hommes en âge d’être appelés à faire leur service militaire. Pour comprendre de quoi il s’agit il faut se reporter aux étapes du recrutement militaire tel qu’il se réalisait en France.

Instruction militaire, musée Carnavalet
Musée Carnavalet, Histoire de Paris

Le recrutement : un processus bien rodé

Tous les hommes d’une classe d’âge (nés la même année) étaient dénombrés par commune : les maires inscrivaient au sein d’une liste, les jeunes gens ayant leur domicile légal dans sa commune. Ce recensement se faisait en général en décembre de l’année de la classe, pour permettre d’avoir un état général au mois de janvier suivant. Le mairie faisait parvenir cette liste au sous-préfet ou préfet qui lui envoyait en retour les dates du tirage au sort.

M. Oholléguy est en charge de la préparation

Dans ce document, daté de 1861 nous pouvons découvrir la préparation de cette liste et sur cette simple feuille de papier un peu abîmée par le temps, se révèle une foule de détails passionnants, surprenants et parfois cocasses.
On commence par la mention « envoyé le 12 septembre 1861 » qui correspond très probablement à la date à laquelle le maire a fait parvenir la liste (remise au propre) au sous-préfet. Suivent 7 noms avec des indications plus ou moins précises sur l’état civil de ces jeunes, leur occupation, leur profession ou le nom de leur employé, la maison dans laquelle ils résident, s’ils savent lire ou s’ils ont quitté la commune et leur lieu de destination.
Petite surprise pour le 7ème inscrit, prénommé « Dominique » mais qui après une enquête diligemment menée, s’avère être une fille elle n’est donc pas concernée par cette obligation.

Le papier se termine par un commentaire de quelques lignes qui parachève magistralement l’oeuvre du sieur Oholléguy, très dévoué au maire et qui s’est minutieusement chargé de collecter les détails auprès des familles. La rédaction peut prêter à sourire à la lecture des termes choisis et des tournures employées, mais il en dit toutefois assez long sur la manière dont les choses se passaient.

« Depuis lundi, jour auquel les éléments nécessaires à la confection de

la liste provisoire m’ont été remis, je n’ai pas toujours resté endormi ; les

rectifications opérées à tout ce qui précède en est la preuve irréfragable.

Tous les renseignements ont été puisés auprès des parents intéressés. Le travail

que j’ai l’honneur de transmettre à Monsieur le maire

étant régulier, il peut, sans hésiter, l’envoyer à la S. Préfecture.

J’ai laissé dans le tableau un espace en blanc pour le cas où il y

aurait lieu de s’occuper ultérieurement de nouvelles inscriptions dans les bureaux de

Mr le S. Préfet.

Oholléguy est tout à Monsieur le Maire. »

Conscription militaire, Aïcirits, 1861
Liste nominative, recrutement militaire, Aïcirits, 1861.
Service des Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques, 1 H 4

7 noms, 7 destins

Nous terminerons cette petite visite dans l’Aïcirits de 1861, en faisant connaissance avec ces personnes dont un petit chapitre de vie se dévoile ici.

Bordes Jean, valet chez Mr Lagoardette, 20 ans, maison Lamerenx, . Il a quitté Aïcirits en juin : « d’ailleurs il a déjà tiré le sort » le malheureux ! Dans le recensement de population de 1861 effectué à Aïcirits on retrouve bien Jean Bordes dans la maison Lamerenx, où il est employé en tant que domestique d’Henry Lagoardette, propriétaire des lieux. Il a 20 ans. Pas de mention de son lieu de naissance, ni du nom de ses parents.

Casedevant Bernard né à Gabat le 4 octobre 1841. Son nom est rectifié en Cazédevant (ce qui en dit long sur sa prononciation), fils de Pierre Casedevant, domicilié maison Tharga. Effectivement nous retrouvons toute la famille dans le recensement : Pierre, le père, laboureur, 54 ans, Marie 28 ans, Cathrine (sic) 26 ans, les soeurs de Bernard, Bernard lui-même, 19 ans (!) et Cathrine, 12 mois fille naturelle de la soeur aînée Marie. L’état civil de Gabat confirme la date de naissance de Bernard. La famille résidait maison Sarhy quand le père est venu déclarer à la mairie que sa femme Elizabeth Faut avait accouché. Elle n’est pas recensée en 1861 car décédée à Gabat en 1856.

Christy Pierre, fils de Christy Pierre et d’Anne Goytino métayers à Enauthandy, né à Arbouet-Sussaute le 30 août 1841. La famille est bien recensée Pierre, le père laboureur et son épouse Anne avec trois enfants : Pierre donc, 20 ans, Marie 14 ans, Bernard 5 ans.

Etcheberry Dominique, dont le nom est rectifié en Etcheverry (effectivement son acte de naissance confirme cette orthographe), fils de Dominique et de Jeanne Harralde, né à Aïcirits le 30 octobre 1841. Il sait lire est il est domicilié maison Etchecoin maison qu’il n’a pas quitté depuis sa naissance et dans laquelle il est recensé avec son père Dominique laboureur, sa mère Jeanne et des frères et soeurs : Jean, 32 ans, Amélie 24 ans, Martin 17 ans. Dominique épousera Gratianne Etchart en 1876 à Béhasque-Lapiste où ils s’installeront pour fonder à leur tour une famille.

Gaztambide ou Gastambide François, maçon, fils de Gaztambide Pierre et de Marie Garat, né à Aïcirits le 13 avril 1841. Dans la marge une mention : « né à Anchot (cabilla) à Beyrie et « on ignore où il est ». Cette dernière mention semble être barrée. La lecture de son acte de naissance résout une partie du mystère puisqu’il précise que François est né dans la maison Anchot d’Aïcirits, la date correspond et ne laisse place à aucun doute.

Lasserre Bernard, fils de Joseph, journalier et de Dominique Etcheto, né à Aïcirits le 26 février 1841. Il est né dans la maison Tristant. Petite surprise, il est précisé qu’il est « passé en Algérie il y a plus de 15 ans » et que de la famille ils sont « tous en Afrique ». En mention : « Il doit être mort ou bien en Afrique ». Ils ne sont pas dans le recensement en effet mais on retrouve bien la famille en Algérie et plus précisément à Mustapha où la mère décède en 1880 à l’hôpital alors qu’ils résident au 6 rue du Lézard.

Oyhamburu Dominique, fils de Jean Oyhamburu et de Marie Larranda, né à Aïcirits le 30 octobre 1841. C’est une fille ! S’exclame M. Oholléguy qui précise « Sexe féminin, morte il y a près de 13 ans. Voir les registres de décès de 1847, 48, 49, 50.  » Il précise qu’elle est née à Bidegain et que le père réside à Saint-Palais.

Peut-être que l’un d’entre eux fait partie de vos ancêtres, n’hésitez pas à franchir les portes du Pôle d’Archives de Bayonne pour découvrir d’autres détails tout aussi intéressants et enrichir une histoire de famille : la généalogie est une enquête de tous les instants, passionnante et surprenante à la fois.


Sources

  • Etat civil Mustapha, Algérie – ANOM
  • Recensement de population, Aïcirits, E dépôt 1 F 2 – Archives départementales
  • Affaires militaires, Liste nominatives des classes, 1836-1945, 1 H 4 – Archives départementales
  • Etat civil Aïcirits, 5 MI 10 – Archives départementales