La cour d’assise des Basses Pyrénées vient de juger un brave garçon qui avait étranglé son père dans le simple but de se faire exempter du service comme fils de veuve.
Bernard Barthaburu- on voit par le nom que nous sommes en plein Pays Basque- est le fils d’un forgeron de Macaye.
Le soir du dimanche 5 septembre 1880, il allait attendre son père au sortir du cabaret, le suivait dans un chemin de montagne et, aidé d’un ami resté inconnu,
Un nommé Fricand, qui revenait d’un rendez-vous avec sa bonne amie, avait assisté à toute la scène ; mais comme Bernard Barthaburu était très redouté, Frican garda le secret.
Le crime ne fut découvert que par suite d’une circonstance romanesque. Quelques jours après l’assassinat, Barthaburu et son ami, quon supposa être un nommé Lermit, s’avisèrent de consulter une tireuse de cartes, la femme Pasaz, sur leur destinée, dont ils étaient à juste titre fort inquiets.
La sorcière, croyant, à leur air préoccupé, qu’ils étaient sous le coup d’un deuil de famille, s’écria, en tournant le neuf de coeur :
— Tiens, un mort ! Je vois un mort !
— C’est vrai, dit le compagnon de Bernard, nous avons étranglé le vieux !
— Quel vieux ? demanda vivement la tireuse de cartes.
— Eh ! Le père de mon ami.
A ces mots, Barthaburu bondit sur sa chaise, et, voyant au fond de la chambre le lit où reposaient les deux enfants de la bohémienne, il les força de se lever, et, les faisant mettre à genoux près de lui :
— Jurez-moi, dit-il à la mère, jurez-moi sur la tête de vos fils, que vous ne raconterez rien de ce que vous venez d’entendre !
La femme Pasaz étendit la main.
— C’est bien, fit Barthaburu, si vous me trahissez, vous êtes une femme morte.
Mais, quelques jours après, la justice ayant arrêté comme l’assassin du vieux forgeron un innocent, Baptiste Amestoy, la femme Pasaz alla trouver le père :
— Ne craignez rien, lui dit-elle, votre fils sortira de prison, Jean Barthaburu a été tué par son fils.
Cependant, tourmenté par les remords, le meurtrier portait sur son visage l’aveu de son crime. Il était toujours sombre, taciturne, il essayait de s’étourdir en buvant. Bernard Barthaburu avait le soir surtout, des hallucinations étranges : "Des croix, s’écriait-il, des croix ! Voyez-vous ces croix !" Et il raconta plus tard qu’il sentait parfois comme une main de fer s’abattre sur son épaule.
Enfin on l’arrêta, lorsqu’il s’apprêtait à fuir en Amérique. Il avait vendu précipitamment tout son bien ; c’était significatif. Le juge de paix d’Hasparren, qui avait l’oeil sur lui et auquel on avait répété les propos de la bohémienne, fit saisir l’assassin par les gendarmes. Quand il fut sous les verrous, les témoins parlèrent.
Le jury des Basses-Pyrénées a cru devoir accorder des circonstances atténuantes au parricide. Bernard Barthaburu a été condamné aux travaux forcés à perpétuité.
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